Revivre tout le temps, tranquillement par Philippe Troyon

Philippe Troyon

Publié le : 20 janvier 20173 mins de lecture

Le 8 décembre 2012, en assistant à la projection du film Antigone au cinéma Le Méliès, avec les élèves, je me suis fait cette réflexion que ceux-ci vivaient plusieurs fois une expérience, une émotion. C’est tout de même une façon très singulière d’amener ces élèves dans une expérience intime, une expérience qui les transforme, qui les façonne trois fois de suite ! : texte – voyage – scène et écran. Ils sont acteurs d’une autre vie et créateurs des émotions qu’ils nous procurent.

Les images du film issues de toutes ces traversées dans l’espace et le temps, sont des images-mouvements. Chaque spectateur vit ce moment comme une expérience langagière. Avec des mots, des gestes, des sensations. Antigone entourée de tous ces personnages : je l’ai vu trois fois, trois fois en chair et en os, trois visages, trois voix, trois corps, je l’ai ressenti trois fois pendant leur voyage, sur les planches d’un théâtre, et sur la surface d’un écran de cinéma.

C’est pourquoi j’ai voulu encore revivre une autre expérience : celle du spectateur « en dessous de l’écran ». J’étais tout petit face à ces grands paysages et ces beaux visages. De surfaces mémorielles en surfaces mémorielles, je vivais une expérience unique qui n’a pas de nom, mais qui ressemble à un concept philosophique : mettre de la pensée entre les images, entre les émotions. Ma place de spectateur était devenue celle d’un acteur.

Pour reprendre le philosophe, Gilles Deleuze : « l’art consiste à libérer la vie que l’homme a emprisonnée . L’artiste c’est celui qui libère une vie, une vie puissante, une vie plus que personnelle, pas sa vie, mais la vie… »

Pour reprendre le philologue, Heinz Wismann : « dans sa propre langue, il y a une autre langue à découvrir. Héraclite est le premier à avoir poser la question de la langue dans laquelle la pensée s’exprime. La langue dit la réalité mais ne coïncide pas avec la réalité. Cette distanciation est une chance à ne pas coller au réel que nos sens nous fournissent et qui nous envahissent. Le détour par la langue fait que nous nous distancions du réel, et nous pouvons entretenir avec la réalité un rapport « critique ».

Le magnifique travail de cet atelier, montre combien il me paraît important d’insérer des temporalités artistiques dans le quotidien scolaire, pour y glisser de la pensée, et ainsi permettre la possibilité d’une parole juste et belle.

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