Comment ne pas enfoncer le couteau dans la plaie ouverte ?

la plaie ouverte

Le 15 mai 2009 une enseignante est agressée d’un coup de couteau par un de ses élèves âgé de 13 ans. Un fait grave qui a fait dire de suite au ministre de l’éducation nationale cette phrase surprenante dans les conséquences de ce qu’elle entraînera : « La seule question que nous devons nous poser, c’est comment allons-nous empêcher les armes de pénétrer à l’école » tout en souhaitant « faire des écoles des lieux protégés. »

Le ministre condamne à juste titre « la violente agression dont a été victime l’enseignante. » Le ministre se rend vers 17h dans l’académie de Toulouse pour dit-il « apporter son soutien personnel à cette enseignante et rencontrer la communauté éducative », mais surtout on le comprendra plus tard, dans la visée, de faire d’un acte isolé un événement qui pourra donner la possibilité d’un décret ou d’une nouvelle loi comme cela est devenu l’habitude dans ce gouvernement sous la responsabilité d’un hyper-actif. Alors il dénonce avec force « cette nouvelle atteinte à l’intégrité physique d’un professeur » tout en rappelant la nécessité « de faire des écoles et des établissements scolaires des lieux protégés et sanctuarisés. » Cette agression survient en plein débat sur un renforcement de la sécurité aux abords des collèges et lycées. Le ministre de l’éducation et la ministre de l’Intérieur parlent alors d’une même voix, celle de la voie électorale, ouvrant la voie possible, pour sécuriser le bon peuple français qui doit bientôt voter, du développement d’un système de vidéo surveillance aux abords des établissements, ainsi que de renforcer la présence policière avec « des contrôles humains aux entrées et sorties. » Ainsi le ministre envisage-t-il, avec sérénité, l’installation de portiques de détection de métaux, à l’entrée des collèges et estime que toutes les solutions seraient envisagées pour éviter l’entrée d’armes dans les établissements. C’est ce qu’il déclare après s’être entretenu avec les enseignants et les parents d’élèves du collège François Mitterrand, ce vendredi 15 mai.« Nous sommes, en face d’un fait divers grave, face auquel il faut chercher des solutions, mais nous ne sommes pas en face d’un problème structurel. »

L’idée des portiques et des systèmes de fouille envisagés commence ainsi à s’installer dans la tête du citoyen français qui se sent menacé par le péril jeune et dés lors grâce à son ministre, sécurisé car le ministre vient de répondre vite en trouvant la solution adaptée. « Est-ce que nous sommes capables d’empêcher que des armes par destination puissent entrer dans les établissements ? » s’interroge-t-il avec force. Il annonce l’organisation le mercredi suivant d’une réunion des services du ministère sur ce sujet, « avec les responsables des établissements que sont les départements et les régions. »

Il s’agit, insiste-t-il, « d’examiner toutes les solutions possibles.On peut imaginer dans certains établissements des portiques, des systèmes de fouille. Nous verrons. Les collectivités territoriales estimeront peut-être que dans certains établissements, c’est une réponse possible".

Enfin le ministre révèle son analyse : « Le public scolaire se dégrade. » Nous entendons déjà comment la solution du public sera celle du privé, même si dans ce brillant parcours sécuritaire ce qui est fondamentalement nié, c’est l’existence de la folie, du geste fou, que n’importe quel homme ou femme, adolescent ou professeur peut commettre et sans aucune raison apparente. N’importe quel adolescent, peut comme ça un jour comme on dit, pété les plombs et court-circuiter n’importe quelle relation à l’Autre, même au professeur le plus aimé. Le ministre a annoncé que le recteur et l’inspecteur d’académie de Haute-Garonne se rendraient de nouveau lundi au collège de Fenouillet. L’objectif étant de faire « un diagnostic. » Ah nous voilà rassurés enfin on va faire un diagnostic. Mais le ministre enfonce le couteau dans la plaie qu’il a ouvert lui-même, comme le lui a enseigné son professeur, Le président, qui lui même s’était fait la main sur voyou et racaille lorsqu’il s’occupait de l’intérieur de la France. « Si cet établissement n’a pas de difficultés particulières, il y a un public scolaire qui se dégrade un peu » diagnostique-t-il enfin en modérant son propos précédent par un « un peu », qui en dit plus long qu’il en a l’air, sur les critères d’évaluation qui ne dépendront que de son ministère.

« Cet établissement de 600 élèves est très bien doté (...) Vous ne réglerez pas avec un demi-poste de surveillant de plus le fait qu’un enfant de 13 ans arrive avec un couteau pour frapper un professeur alors qu’on n’a aucun signalement de violence » souligne-t-il, tout en n’apercevant pas ce que les conséquences de son propre propos implique. Car en effet si aucun signalement de violence dans ce collège n’ a été fait, alors pas de portique pour lui. Voici, ainsi dénoncé par lui-même, l’énorme paradoxe qu’il lui faudra résoudre. Où et quand commence la dite violence ? Et de plus tout portique installé devant le collège dit-violent ne réglera pas le fait que l’élève déterminé, par on ne sait quoi d’ailleurs, peut attendre le professeur à la sortie du portique, car tout portique a une entrée et une sortie. De plus si le collège est tranquille et donc sera sans portique, un élève pourra toujours commettre un acte de folie insondable. Oh insondable décision de l’être ! qui préside « au dérèglement de tous les sens »comme le disait Athur Rimbaud, le portique de Darcos, qui n’est pas le portique d’une école grec antique, comme son nom le laisserait entendre, va enfin détecter l’arme qui arrêtera ta provocation langagière, et ton geste immotivé. Et ainsi l’insulte et le geste agressif ne seront plus de mise dans ce lieu enfin sanctuarisé, le lieu de l’école Darcos.

Le collège de Fenouillet lui par contre nous dira-t-on décide d’un autre portique, celui de réunir les élèves , les parents , les professeurs et de serrer les rangs avec dignité, en posant des humaines questions. « Comment va-t-elle ? », « Quand revient-elle ? » demandent les élèves de 6e du collège de Fenouillet (Haute-Garonne), réunis par le principal, quelques heures après l’agression de la jeune professeure de mathématiques poignardée par un élève de 13 ans, ce vendredi matin 15 mai où le ministre s’est rendu sur place.

Pascal Pavani le photographe de l’AFP est là et immortalise des élèves discutant devant le collège François Mitterrand ce même vendredi 15 mai 2009 à Fenouillet. Avec les collégiens, les enseignants et parents d’élèves serrent encore un peu plus les rangs à la recherche d’un discours possible, dans l’émotion et la dignité, trois heures après le passage à l’acte de cet élève de 5e entré à l’inter-classe de 11h00 dans la salle où venait de s’achever un cours donné par la professeure qui l’avait puni la veille pour un devoir non fait. Oui voilà, enfin croit-on pour l’instant la raison disproportionnée par rapport à l’acte qu’elle a engendré. Ne pas avoir supporter la punition pour un devoir non fait. Ah Portique de Darcos ! comme tu tombes à pic et comment détecteras-tu l’usage de jouissance insondable, car toujours privé et singulier qu’un élève peut faire d’un mot, d’une remarque ou d’une punition de son professeur. Et là précisons bien, ce n’est pas le dit qui est déterminant, c’est l’usage de jouissance que l’élève en fait et qui parfois peut le conduire au pire au-delà de tout bon sens.

Dans cette banlieue pavillonnaire du nord de Toulouse, les cours de 11h00 à midi ont quand même, eu lieu au collège François-Mitterrand, sauf celui de la victime touchée à la poitrine et qui fut hospitalisée à Toulouse. Les cours du reste de la journée ont cependant été supprimés. L’inspecteur d’académie Jean-Louis Baglan et le principal Serge Blanc veulent mettre à profit l’après-midi pour permettre aux 600 élèves du collège de parler, de se parler « d’exprimer leurs préoccupations et leurs angoisses éventuelles » avec l’aide bien sur d’une cellule de soutien psychologique. Un jour, il faudra quand même que l’on m’explique la logique de la chose, celle de la mise en place systématique de cellule de soutien.Car en général un traumatisme vous laisse sans mots possible face à un trou, comment alors envisage-t-on que l’on puisse parler de ce que l’on ne peut pas dire. N’y-t-il pas là un risque de double traumatisme ?

Prévenus par les téléphones portables des enfants, des parents sont venus aussi « soutenir les enseignants. » Parmi la cinquantaine d’entre eux qui écoutent le premier compte-rendu de Serge Blanc, vers 13h30, certains dénoncent « l’insécurité » en général, ou veulent reprendre leur enfant immédiatement. Il faudra des mouvements de parents, dans la cour de récréation, quelques sorties un peu improvisées et une bonne heure pour organiser l’information des enfants, mais le tout sans panique. Le principal raconte alors aux présents calmement sans aucune hyperactivité, l’entrée de l’élève, le coup porté, la blessure. « Ce n’est pas normal qu’un enseignant ou quiconque ici soit mis en danger dans sa vie. » « C’est une situation grave. »

Le principal trouve alors une phrase juste empreinte d’une grande sérénité. « Tous ensemble, il nous faut comprendre pour que cela ne se reproduise plus. » Les questions sont nombreuses, dans une ambiance presque recueillie. « Comment va la professeure ? Quand revient-elle ? » « Cela va faire une mauvaise publicité pour le collège ? » « Pourquoi la presse est-elle là ? » « Qu’est-ce qui va arriver au garçon qui l’a frappée ? »

Le principal, sans dramatiser la gravité des blessures de l’enseignante de 32 ans, répond qu’on « attend des informations sur sa santé » et souligne que les caméras de télévision sont là parce que « ce n’est pas banal, la presse se déplace quand c’est important ! » Oui surtout que là devons nous préciser l’école de Darcos avec son portique est en attente.

Quant à l’auteur présumé du coup de couteau, « il a été pris en charge par la gendarmerie et devra rendre compte de ses actes. Il ne reviendra pas ici avant qu’ un conseil de discipline se tienne », ajoute le principal. En marge de ces rencontres avec les classes pour « ramener la sérénité », le principal dit à l’AFP en présence du ministre, être « très sensible, comme le personnel, au fait que le ministre Xavier Darcos se déplace » et salue « la marque de solidarité de notre hiérarchie. »

De son côté, Joëlle Duschesne, secrétaire du « Groupement des parents », majoritaire mais non affiliée à une association nationale, compte bien saisir l’occasion de cette visite, prévue en fin d’après-midi, pour une explication avec le ministre. « C’est un acte isolé mais dans une situation qui se dégrade partout, on manque de moyens humains pour soutenir les enseignants », estime-t-elle. Pour mémoire voici un rappel des agressions avec armes perpétrées depuis 2007 sur des enseignants, après celle, commise vendredi par un élève sur un professeur du collège François-Mitterrand à Fenouillet.

En 2007 , le 5 mars : un professeur de français de 59 ans est poignardé en plein cours par un lycéen cubain de 16 ans, à la cité scolaire internationale de Lyon. Un photographe, Fred Dufour de l’AFP prendra la photo du lycée de la Cité scolaire internationale de Lyon. Le19 mars, deux enseignants sont agressés et blessés devant un lycée du XVe arrondissement de Paris, rue de Vaugirard, par six individus casqués et armés de barres de fer et de matraques. Puis à Strasbourg, un père de 40 ans armé d’un couteau menace de mort un enseignant qui a infligé une punition à son fils de 11 ans. En 2008, le 8 février à Angoulême, un élève de première du lycée Marguerite-de-Valois asperge un enseignant avec le contenu d’un extincteur. Le 16 juin, une enseignante d’anglais est aspergée de gaz lacrymogène par un individu cagoulé, à l’intérieur du collège Henri-Dunant à Colombes (Hauts-de-Seine). En 2009 le 12 janvier un professeur du lycée professionnel Pierre-et-Marie-Curie de Château-Gontier (Mayenne) est sérieusement blessé à coups de couteau pendant un cours par un élève de terminale de 18 ans. Un photographe, Jean Francois Monier de l’AFP prend la photo des gendarmes qui sont en faction, le 13 janvier 2009, devant le lycée professionnel. Le 22 janvier un élève de 12 ans du lycée Jean XXIII de Montigny-lès-Metz (Moselle), blesse en classe une enseignante d’un coup de ciseaux à la joue. Le 16 mars le directeur du lycée professionnel privé Charles-de-Foucauld de Schiltigheim (Bas-Rhin) est blessé d’un coup de canif par un élève de 16 ans. Le 2 avril un collégien de 20 ans, du collège Anatole-France de Béthoncourt (Doubs), asperge de gaz lacrymogène une enseignante qui le mettait à la porte. Alors, ce 15 mai un élève de 13 ans blesse légèrement une enseignante d’un coup de couteau en pleine salle de classe du collège François-Mitterrand à Fenouillet, un « collège tranquille. » Le motif serait une « punition infligée pour un devoir non rendu. »

L’enseignante blessée d’un coup de couteau a été opérée dans la journée pour une hémorragie interne, mais ses jours ne sont pas en danger, apprend-on auprès du rectorat de Toulouse. Le premier diagnostic de la blessure de l’enseignante, Véronique Adès, professeur de mathématiques de 32 ans, faisait état d’une « plaie superficielle ». Des investigations complémentaires, à l’hôpital, ont révélé une hémorragie interne d’une artère du thorax, a déclaré à l’AFP Michel-Paul Montredon, porte-parole du recteur de l’académie de Toulouse. L’enseignante se trouvait en fin d’après-midi en salle de réveil après son opération.

Ce n’est pas « un enfant violent. » Il avait été puni la veille et a attendu que l’enseignante soit dans sa classe ce matin « pour lui donner un coup de couteau de cuisine » au torse, a indiqué à l’AFP l’inspecteur d’académie, Jean-Louis Baglan, qui s’est rendu sur place. L’enseignante ayant décidé de maintenir sa punition, le collégien l’a « poignardée », explique l’Académie de Toulouse. « Cet enfant, d’un milieu modeste, avait quelques difficultés d’apprentissage mais n’était pas repéré comme un enfant violent », a encore insisté l’inspecteur d’académie, tout en précisant que l’établissement scolaire de Fenouillet est considéré comme « un collège tranquille » de la banlieue de Toulouse. Selon les premiers éléments de l’enquête, la punition infligée jeudi au jeune collégien par sa professeure était « liée à son travail en classe, pour un corrigé de devoir non rendu », a-t-il précisé.

« Cet incident a créé un gros traumatisme à l’école et j’ai mis en place une cellule de crise », a affirmé l’inspecteur, sans préciser les sanctions encourues par le collégien. Ce dernier a été entendu par les gendarmes, il a été présenté dans la matinée de samedi au parquet de Toulouse. Il a été mis en examen et est placé en détention provisoire à Lavaur dans un établissement pénitentiaire, un centre adapté aux mineurs où tout est fait pour préserver la reconstruction et la réinsertion a annoncé samedi 16 mai le procureur de la République de Toulouse. Une décision "difficile" à prendre compte-tenu de l’âge. La professeure a été opérée d’urgence le soir même à l’hôpital de Rangueil de Toulouse. Selon un communiqué du CHU de ce samedi matin, l’état de santé de l’enseignante est "rassurant" et il n’y a pas de complication. Elle s’est réveillée mais reste "sous étroite surveillance", comme pour "toute intervention chirurgicale".

Selon les premiers éléments de l’enquête,elle précisera qu’il l’a rapidement frappé d’un coup de couteau après avoir demandé le retrait de la punition. Le Snes-FSU veut du personnel, pas des portiques Le principal syndicat d’enseignants conteste la proposition de Xavier Darcos d’installer des portiques de détection de métaux pour assurer la protection dans les collèges et lycées. Le Snes-FSU, principal syndicat d’enseignants des collèges et lycées, veut « privilégier les moyens humains » plutôt que de « développer les portiques », pour lutter contre la violence en milieu scolaire, dans un communiqué adressé à Xavier Darcos, publié dimanche 17 mai. « Le Snes demande avec insistance au ministre de privilégier l’éducatif sur le « tout sécuritaire », de privilégier les moyens humains permettant le dialogue et l’accompagnement plutôt que de développer les portiques et dispositifs de vidéo-surveillance, écrit-il. Pour le syndicat, la sécurité « nécessite de revenir sur les suppressions massives de postes dans le second degré qui dégradent les conditions d’enseignement et dégarnissent" les personnels chargés de la vie scolaire. Il « exige le recrutement, en nombre suffisant, de personnels statutaires et formés pour apporter (...) des réponses éducatives sérieuses. » Par ailleurs, le syndicat « assure son total soutien à l’enseignante agressée comme à l’ensemble de la communauté éducative du collège. »

Comment conclure ce parcours quasi journalistique ? Qu’on le veuille ou non l’école sera toujours une arène publique, un forum du Logos sans le portique de l’école de Darcos. Une arène ludique qui doit éveiller le jeu de l’esprit où seules les armes de la parole auront le tranchant nécessaire à ouvrir le bon usage requis du goût de la dialectique. Apprendre ce que parler veut dire comme l’ont dit d’abord Jacques Lacan puis Bourdieu. Le rapport au savoir représente la seule architecture, le seul cadre capable de détecter l’en trop qui peut conduire au pire si la présence des professeurs ne sait pas y faire avec le détecteur capable de soulager celui qui pris par un moment de folie peut commettre l’acte fou le conduisant à la limite de la communauté humaine. Il nous paraît important de préciser que la folie existe, qu’elle est aussi ce qui fait l’humain et qu’il serait temps que notre idéal sécuritaire n’oublie pas de la situer à sa juste place. On peut repérer en prenant le temps de parler à un élève ce qui peut le pousser à bout. L’école on le sait depuis Platon est un lieu violent, un lieu de violence. Ce n’est hélas ni le premier, ni le dernier, mais il vient en bonne place entre la maison et la société. L’école est un lieu d’apprentissage de la vie aussi, ne l’oublions. Faire sa place à l’école sans portique, mais forum comme lieu de conversation, donc ouvert sur la vie, qui ne va pas sans mettre à sa juste place sa plus fidèle compagne la mort, devrait nous ouvrir vers une école lieu de la fraternité retrouvée où tout élève ne deviendra pas un suspect en devenir. Savoir s’y défendre par l’arme de la parole prépare au combat de la vie en société qui commence, là où l’on peut tirer bénéfice à laisser passer par le portique La si redoutable princesse de Clèves, dont le président-professeur nous a appris qu’elle ne servait à rien à la guichetière de la banque. Si à la maison, on apprend dans sa propre langue dans le meilleur des cas la fraternité celle qui peut conduire Cain à tuer Abel , à l’école dans le meilleur des cas on apprend la démocratie soit l’école de l’expérience de ce que vivre veut dire.

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